(...) rapprocher le loingtain jusqu'à la sensation tactile (trace); éloigner le contact jusqu'à la distance infranchissable (aura) de la face en tant que telle.
Le propre d'une face, c'est bien sûr de se tenir en face de nous. C'est aussi, de faire du face à face une relation de regard. Point n'est besoin de voir distinctement une faciès, une physionomie , des traits, pour qu'une face nous regarde, pour que sa distance nous affecte et nous touche. Il suffit pour cela que nous prêtions à ce qui nous fait face le pouvoir de nous rendre un regard, le pouvoir de lever les yeux sur nous. "Sentir l'aura d'une chose, écrit Walter Benjamin, c'est lui conférer le pouvoir de lever les yeux." Telle est l'autre caractéristique fondamentale de l'expérience auratique: la phénoménologie de la distance apparaissante se complète ici d'une phénoménologie du regard échangé. L'expérience du regard porté sur un objet et en quelque sorte retourné par lui sur le regardant, voilà en quoi consiste ce que Benjamin nomme l'"aura d'une chose". Cette expérience ne va donc pas sans un anthropomorphisme essentiel: "L'expérience de l'aura repose (...) sur le transfert, au niveau des rapports entre l'inanimé- ou la nature - et l'homme. Dès qu'on est-ou qu'on se croit-regardé, on lève les yeux.
Il y a beau temps que Merleau-Ponty et Lacan ont montré les ressorts fondamentaux de cet anthropomorphisme: même une boîte de sardines flottants sur l'eau peut se voir investie d'une telle puissance du regard. Or dans la construction de ce fantasme, l'empreinte possède un indégniable privilège. Rien n'est plus facile, -métonymie oblige- que de prêter à l'inanimé de l'empreinte ce pouvoir magique de l'animation avec laquelle elle fut un moment en contact, et même d'où elle tire sa nature d'empreinte. Un tel pouvoir est subtil: c'est lui, probablement que vise Pierre Fédida lorsqu'il parle du "souffle indistinct de l'image". Mais la subtilité, ici, est affaire de contact, ou plutôt d'un certain rapport entre le contact et la distance. contact ou se forme l'empreinte, désertée qu'elle se trouve maintenant par ce qui, autrefois, l'a engendré (...)
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